Je n'en ai jamais parlé  
J'avais entendu une personne témoigner à la télévision, et ça me posait question. Je n'arrivais pas y croire. Dès le lendemain, j'ai cherché... J'ai passé plusieurs coups de téléphone. On a fini par m'orienter sur "SOS Viol Informations". Ces mots seuls me faisaient peur.  
  Je n'ai pas dit grand-chose :  
 
... Oui, j'appelle pour des faits qui me concernent.
... J'ai 27 ans.
... Cela date d'il y a environ 10 ans. J'avais 17 ans.
... La première fois ? j'avais 7 ans.
... Non, il n'est jamais trop tard pour appeler.
... Oui, je connais l'agresseur.
... Il y en a eu plusieurs.
... Non, ce n'est pas un membre de ma famille.
... Non, il n'y a eu aucun examen médical.
... Je n'ai effectué aucune démarche avant ce jour.
... Je n'en ai jamais parlé. Excepté à ma mère, dès le lendemain de la première fois. Elle semble ne pas en avoir tenu compte. Ca n'était pas important. Certains de mes petits copains ont plus ou moins su qu'il s'était passé quelque chose.
Je l'ai évoqué une ou deux fois, mais certainement pas en ces termes.
C'est tout.
... Je ne me souviens plus du détail des faits.
... Non, non ! je ne souhaite pas porter plainte.
... Je voudrais seulement me souvenir.Etre capable d'en parler, de raconter. Je voudrais trouver les mots pour le dire. Au moins pouvoir me souvenir. J'aimerais ne plus devoir cacher cela.
 
  La femme que j'ai eue en ligne, même si je n'ai pas su dire grand-chose, a écouté. J'étais libre de parler. Libre parce que pour la première fois, ce que j'avais à dire était recevable, compris. Elle n'a pas mis en doute mes paroles. Ses questions étaient pertinentes, trop. Elle comprenait mieux que moi.
Avant de raccrocher, elle a simplement ajouté : "Bon courage !" Et il y avait du sourire dans sa voix. C'était presque simple. De comprendre. D'avoir enfin un mot.
Briser le silence, c'est cela : en parler et être entendue pour la première fois. C'est commencer à exister. C'était en octobre 1999... que de chemin parcouru depuis !  
     
  Je n'en avais jamais parlé.  
  Auparavant je disais seulement, laconiquement :
"Oh, pour moi, non, la première fois c'était pas terrible."
Inutile donc de s'étendre sur le sujet.
 
  Maintenant j'arrive à dire :
"J'avais 17 ans et j'étais encore vierge quand j'ai été violée."
C'était en 1989, il y a 10 ans. C'était un élève de ma classe. Ca a duré pendant une année scolaire, des attouchements sexuels, puis plusieurs viols.
     
  A partir de ce moment, il n'est plus possible de faire demi-tour, de faire comme avant : comme si de rien n'était. J'ai eu un énorme besoin d'en parler, qu'on sache enfin ce qui s'était passé et qui était resté secret si longtemps. C'est le début d'une véritable fuite en avant libératrice.