Voici le portrait que j'ai fait de ma mère quand j'avais 20 ans :
   
Le Père

J'ai choisi une photo d'elle au même âge : elle a 20 ans, et je ne suis pas encore née. Elle est jeune, belle et souriante. J'ai recouvers le fond de la photographie de peinture dorée, comme pour en faire une icône. C'est à la fois la rendre sacrée, et intouchable, innacessible.

L'élément le plus important est cette plaquette de pilules contraceptives, en bas à gauche. Même si on ne le voit pas sur cette image, il reste un comprimé dans la plaquette.
C'est un reproche dirigé contre ma mère : comme si elle avait oublié de prendre la pilule, et que cela avait causé la grossesse dont je suis le résultat.
Même si à l'époque où je suis née, la pilule et l'avortement n'étaient pas encore autorisés, j'en ai toujours voulu à ma mère d'avoir osé faire un enfant dans de telles conditions, avec ce père-là. Dans mon esprit cette grossesse ne pouvait être qu'un accident, une catastrophe.

Je l'ai dissimulée derrière un fragment de gaze médicale, comme s'il y avait une blessure à soigner. Cependant, j'ai pris soin de laisser son visage dépasser, comme pour la laisser respirer.

Le morceau de tissu fleuri est ce qui reste d'un tablier qu'elle a longtemps porté, l'usant jusqu'au fil. Je crois qu'il venait de sa mère.
Le collage a été assorti aux couleurs de ce tablier : le fond peint en bleu lavande, le blanc et l'or, qui sont aussi les couleurs de la mère par excellence : la vierge Marie (dans la culture catholique dont je suis issue, bien que je ne sois pas croyante). Le reste est assez tendre : les fleurs, un bout de papier-peint blanc, les petites volutes décoratives sur le bord noir qui l'entoure...
Son nom est marqué sous la photo : je l'appellais "Mum" ou "Mom", mais jamais "Maman", jamais par son vrai nom.