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enfance sauvage |
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Jusqu'à
l'âge de 6 ans, j'ai très peu de souvenirs. Je sais
que nous avions déménagé très souvent,
au moins une fois par an, parfois en cours d'année scolaire,
à cause de la profession de mes parents.
J'ai appris beaucoup plus tard que mes parents s'étaient
séparés à plusieurs reprises, parfois pendant
une année entière. Lorsque mon père venait en
visite le week-end, c'était des scènes et des colères.
J'ai été régulièrement confiée
à mes grands-parents. C'est eux que j'ai toujours considéré
avec affection comme mes parents, comme ceux qui m'ont élevée,
qui m'ont appris la vie. |
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J'ai
appris à marcher
en pleine nature sauvage
De toute cette période, je ne me souviens que des vacances.
Mes parents allaient chaque été, avec leurs amis, installer
un camp en bordure d'un torrent asséché perdu à
la frontière entre l'Ardèche et la Lozère. C'étaient
les années 70, l'époque du mouvement hippie et d'un
certain retour à la nature...
C'est un souvenir qui a hanté mes rêves d'enfants
pendant longtemps avant que mes parents ne soient capables de comprendre
et de m'expliquer de quoi je me souvenais par ces rêves répétitifs.
J'en ai des souvenirs très précis : des odeurs,
des images, des flashs. J'y suis retournée 20 ans plus
tard : rien n'avait changé ! Ce sont de bons souvenirs
et j'y suis très attachée. C'est important de cultiver
les bons souvenirs.
Je crois que j'ai occulté le reste, au profit de ces
bons souvenirs. C'est en Lozère que j'ai appris à marcher,
en pleine nature sauvage. J'étais livrée à moi-même,
libre. Pas d'adulte pour m'entraver, pas de murs pour me retenir prisonnière,
auprès de mon père et de ses colères...
Je dois à cela un grand sentiment de liberté et
de force lièe à la nature. C'est peut-être ce
qui m'a donné le courage de me rebeller par la suite comme
une sauvageonne indomptable, comme un fauve qu'on ne peut pas mettre
en cage... C'est
peut-être cela qui me rend parfois farouche comme un annimal,
naïve comme quelqu'un qui ignore tout des convenances sociales
et de la civilisation...
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"Plus
tard elle sera socialisée, mieux se sera !"
A
part les vacances en Lozère, je ne me souviens pas des déménagements
fréquents, ni des séparations de mes parents. Je n'ai
que le souvenir de lieux, de murs, de plans de maison, dont je connaissais
l'emplacement des portes et des fenêtres, comme autant d'issues
de seccours possible. J'ai très vite appris à me déplacer
en silence, à disparaître sans me faire voir.
J'ai le souvenir de lieux, mais pas de personnes, pas de visages.
Ni de mes surs, ni même de la nourrice, ou de ma mère,
ni des présences ou des absences de mon père. La solitude.
Les déménagements systématiques ne laissaient
pas le temps de se faire des amies. Je n'ai pas pris l'habitude de
me lier avec d'autres. De toute façon, nous avons toujours
habité en rase campagne, sans jamais avoir de voisins.
Mon
père répétait à mon sujet : "Plus
tard elle sera socialisée, mieux se sera !" Il refusait
toute tentative d'éducation, s'en prenant à ma mère
lorsqu'elle essayait de me communiquer des régles de base,
des notions, des interdits, des conseils. Il refusait de me scolariser.
J'ai toujours eu sous les yeux deux parents qui soufflaient de vents
contraires, le chaud et le froid... Je les regardais sans comprendre,
mais j'ai vite pris mon parti de ne pas trop leur faire confiance,
puisqu'ils avaient l'air si peu sûr d'eux-mêmes.
Ma mère raconte qu'il était impossible de me faire
un câlin : je me laissais attraper, mais je lui échappais
au bout de quelques secondes. Je ne faisais confiance à personne.
Deux surs sont nées. A ce moment-là, c'est
comme si j'avais pensé : "ils sont fous ! ils
remettent ça !" J'avais peur pour elles. De quoi ?
Je ne sais pas. Mais j'avais peur.
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