Le Pere
  Le Fou de Dieu  
     
Massacio
Adam et Eve chasés du paradis
(peinture de Massacio)
L'illuminé, le fou de Dieu

Après avoir été longtemps hostile à tout conformisme social et en particulier à toute forme de religion, mon père a soudain retourné sa veste pour devenir un mystique ne parlant que de Dieu.

Tout son vocabulaire avait changé, et il ne cessait de faire des références religieuses. Ce qui me choquait le plus, c'est sa fascination pour les récits de vie des martyrs, en particulier ceux et celles qui ont beaucoup souffert : il nous montrait des images de saint(e)s alité(e)s, morts, au corps marqué de stigmates, de femmes au regard fou (Marthe Robin, la petite Thèrése de l'enfant Jésus...) et son discours abondait des notions de péché, faute originelle, souffrances, expiation, mortifications, exorcismes, sacrifices, shoa, stigmates... Il mélangeait tout, se prenait pour un saint martyr, et s'attribuait toutes les douleurs du monde. C'était un illuminé aux paroles incompréhensibles.

Il a pourtant acquis des responsabilités dans la hiérarchie religieuse, devenant responsable de la formation spirituelle des croyants de la région : il animait des cercles théologiques et parfois des célébrations religieuses. On venait le consulter, prendre son avis, se confier à lui.

Je l'ai souvent entendu dire qu'il regrettait de s'être marié et d'avoir fait des enfants, parce qu'il aurait du être prêtre, religieux, ermite ou saint. Il exprimait son rêve de vivre en ascète, enfermé dans une cellule dénudée de tout, à l'écart du monde. Il parlait souvent d'un saint qui avait passé sa vie à errer en clochard sur les routes parce qu'on ne voulait de lui dans aucun monastère (saint Benoît Joseph Labre ?).

Il partait de plus en plus souvent faire des retraites spirituelles dans les carmels, au centre spirituel de "notre dame de vie"... Nous y allions parfois en famille.
 
 
 
La religion catholique n'est peut-être pas une mauvaise chose, mais j'ai aujourd'hui du mal à comprendre comment on a pu laisser une personne telle que mon père y prendre des responsalités. D'autant plus qu'il en donnait une image assez effrayante et culpabilisante. J'ai toujours trouvé étrange l'adoration d'un corps torturé, celui d'un homme cloué vivant sur deux planches de bois.