Le Pere
  Le Père  
     
 

Mon père est longtemps resté une chose inconnue pour moi. Une chose. Même pas un homme.
Je ne me souviens pas avoir jamais ressenti de tendresse, d'affection ou d'admiration pour lui, mais toujours de la crainte. Il était insaisissable, incompréhensible, imprévisible. C'était une drôle de chose qu'on était forcée d'avoir avec nous.

"Pourtant, il n'a rien fait..."

Je n'ai cessé de répéter à son sujet qu'il n'avait rien fait. Sans comprendre pourquoi j'avais mal. De quoi j'avais peur.
Il ne nous battait pas. Il ne nous a pas violé.
Non, effectivement : il n'a rien fait. Rien. Pas même être père. Il n'a rien fait, rien dit, à chaque fois qu'il a surpris les abus sexuels dont j'étais victme. Il a brillé par son absence, par sa lâcheté, sa faiblesse, son impuissance.

La terreur
Mon père, c'était une chose qui faisait peur.
Je ne sais pas ce que c'est que d'avoir un père.
Il faisait régner la terreur autour de lui, à la maison. On marchait sur des œufs. On était pétrifiées de peur. Jusqu'à la contracture musculaire, la crampe.
A l'extérieur, il passait pour un homme charmant. A la maison, on n'osait pas parler. Ni penser. Ni respirer. Ni grandir. Il a vampirisé mon enfance.